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Questions fréquentes

Thorigny

Pouvez-vous me dire l'origine du mot "Thorigny"?

Pour autant que la toponymie fut une science, il est raisonnable de penser que Thorigny vient du nom de famille "Taurinus" qui a donné "Taurin" en français. Tauriniacum, Thoriniacum, etc, signifie donc le lieu où vit Taurin.

saint Taurin est le grand saint de la ville d'Evreux. Sa chasse a fait l'objet d'un timbre en 1995. Bien entendu, ces messieurs "Taurin" vivaient partout en Gaule, ce qui explique la densité de toponymes en Thorigny et Thorigné. Cette densité peut se révéler très grande, comme en Poitou. La racine serait identique à celle de Turin.Il faut comprendre le nom Taurin comme étant celui du gentilice: un nom de famille en somme.

Parmi les hypothèses qu'il convient pour le coup d'abandonner, signalons:

- le dieu germain Thor avec "ignis". Bien entendu, les Germains ne vivaient pas chez nous, mais de l'autre côté du Rhin. Cette idée a été reprise par l'abbé Henri Bouvier en 1886, historien de Thorigny.
- la cadastration de l'empire romain aurait nécessité des bornes pour les géomètres, et le toponyme en conserverait le souvenir. La répartition des toponymes est trop irrégulière. L'étude a été opérée à l'échelle de tout le monde romain.

Que sait-on sur les souterrains de Thorigny?

Il faut distinguer plusieurs phénomènes différents :

- le conduit enterré d'un aqueduc : toutes les portions n'étaient pas bâties en aérien. Les villas rurales pouvaient disposer de petites sections privatives.

- le souterrain refuge : il s'agit d'une galerie d'une vingtaine de mètres de long, creusée dans la craie, souvent défendue par un goulot d'étranglement, une section semée de culs de sac ou un passage de type "bouche de four", située à six ou neuf mètres sous terre à un niveau où il n'y a pas d'infiltration de l'eau. On y accède le plus souvent par un puis. Il a pour vocation d'attendre, parfois pendant plusieurs jours, la fin des dévastations qui se produisent en surface par fait de guerre. Les mieux aménagés disposent de bancs de craie permettant de s'asseoir. Des niches peuvent accueillir des lampes. On peut soupçonner que ces souterrains pour particuliers, ont pu être reliés les uns aux autres dans le cas d'habitat groupé dans une rue, donnant l'impression d'une grande longueur. En général, ces souterrains ont été transformés à peu de frais en fosses septiques dans les années 1950.

- les citernes enterrées : tout château ayant l'ambition de résister quelques jours, devait disposer de réservoirs d'eau enterrés. Elles sont souvent confondues avec les oubliettes. Elles truffaient le sous-sol de Vézelay, ville ne disposant pas de source d'eau.

- la carrière souterraine : on creuse, parfois sous la cave d'une maison, pour extraire des parpaings de craie et s'en servir comme matériau de construction. La pose de lampadaires publics permet de redécouvrir ces cavités. Elles ont été reconverties comme décharges dans la seconde moitié du XXe siècle.

- les caves : dans un pays viticole depuis au moins le XIIe siècle, le stockage sous terre offre des garanties de régularité de température pour la conservation du vin. Certaines caves (Thorigny et la Postolle) disposent d'une cheminée : les professionnels du tissage recherchaient cette hygrométrie pour conserver la qualité du fil à travailler, mais avaient dans le même temps besoin de se chauffer.

- les crayères : il s'agit d'exploitation de craie servant à alimenter un four à chaux. Elles ont parfois été transformées en champignonières.

- les troglodytes : il s'agit d'un habitat souterrain, composé de quelques pièces enterrées. Une ravine ou un talus offraient l'opportunité de creuser son logement. Un inventaire en a été dressé par le docteur Courtois. Il a permis à la frange la plus pauvre de la population de se loger, sans à avoir à payer d'impôts fonciers. Le phénomène n'est connu que de la fin du XIXe siècle au milieu du XXe. Compte tenu du faible enterrement, les plafonds sont fragiles et susceptibles d'écroulement.

- les "souterrains" qui vont de l'église à Vermont, de Vermont à Villechat, de la cathédrale de Sens à l'autre rive de l'Yonne, de Plessis-Saint-Jean à la rive droite de la Seine, etc. Ils sont totalement fantasmagoriques. Bien entendu, on n'y circule pas en carosse. En principe, pour s'enfuir, il est plus facile de prendre ses jambes à son cou que de circuler dans une galerie souterraine non éclairée. Essayez une fois pour voir. Le pilier central de l'église de Thorigny n'est donc pas creux et n'abrite pas un escalier menant au "souterrain".

- les oubliettes : il se serait agi de constructions destinées à perdre un visiteur. Compte tenu du coût faramineux de la construction, elles sont inexistantes dans les châteaux, n'en déplaise aux guides chargés d'épater des visiteurs. Le seul cas connu pour toute la France serait au château de Pierrefonds.

- les glacières : les châteaux ont disposé, parmi leurs commodités du XVIIIe siècle, de glacières. Ces galeries de quelques dizaines de mètres, terminées par une salle ou un petit puits, permettaient d'entreposer la neige en hiver. Une exposition ombragée vers le nord, permettait ensuite de disposer de glace en été. Il en a existé à Vauluisant et à Thorigny.

L'ancien emplacement du château de Thorigny était-il au cimetière?

Non. Le plus ancien emplacement de château à Thorigny, vers 1445, était proche du cours de l'Oreuse, entre le chemin de Fleurigny et les vignes. A son couchant, il dominait un étang fermé par un moulin à eau. A son levant, on y accédait par une ferme organisée en basse-cour, elle même protégée de toute part par des fossés.
A la fin du XVIIe siècle, la basse-cour a été rasée et déplacée, l'étang comblé et le moulin à eau détruit. Cette phase correspond à la création d'un parc.
Sous la Régence, un nouveau château est contruit. Il est en voie de finition en 1726, et dispose alors d'une aile basse. Il sera doté d'une seconde aile et ces ailes auront un étage. Il est détruit en 1806.
Sous Louis-Philippe d'Orléans, une grande maison est contruite semble t'il sur un élément de la basse-cour du XVIIIe. C'est ce qui est dénommé aujourd'hui "le château".

La famille du célèbre chimiste Thénard est originaire de Thorigny?

Oui. Le plus lointain ancêtre agnatique de la famille est un laboureur de Thorigny prénommé Etienne. Son fils Claude est devenu notaire à Granges-le-Bocage, ce qui le ramenait dans une paroisse où les Thénard sont connus depuis la fin du XVe siècle. Son petit-fils Julien est prévôt de Granges sous Louis XIV.
A partir de Louis XV, cette famille appartient au petit groupe des laboureurs capables de prendre en location les grandes fermes de la contrée, circulant de bail en bail entre les villages. C'est ainsi que le futur chimiste est né à la Louptière, tandis qu'un de ses frères s'est fixé à Fleurigny.
Le chimiste a été fait baron par Louis-Philippe d'Orléans. Sa descendance s'est poursuivie en Côte-d'Or.

Entendait-on tonner le canon en 1914 à Thorigny?

Oui. L'armée française, contournée en Belgique, a reflué à travers la Picardie et la Champagne. Les uhlands sont venus en reconnaissance jusqu'à Provins.
Une contre-offensive française est partie des marais de Saint-Gond, (Montceaux-lès-Provins vers Sézanne), et a repoussé l'armée allemande jusqu'à la rivière de la Marne. Ce sont ses canons qui ont été entendus à Thorigny. Les Allemands n'ont pas été fâchés de réduire leur dispositif, car au même moment, ils subissaient les assauts victorieux de l'armée impériale russe. L'état-major français a failli se fixer à Sens.

Thorigny a déjà été chef-lieu de canton?

Oui. La révolution, dans son désir d'encellulement pyramidal de la société française, avait créé des communes, des cantons, des districts et des départements. A cette occasion, un canton fut érigé avec Thorigny comme chef-lieu.
Sous Bonaparte, ce chef-lieu a été supprimé. De même, les nombreux districts ont cédé la place à des arrondissements.
A deux reprises, Thorigny a demandé le rétablissement de sa dignité de chef-lieu. L'avis des populations concernées était unanime pour demander le rétablissement du canton. Sergines, extrêment menacé, a donc été servi par le conservatisme des institutions, car la perte d'une fraction de sa circonscription condamnait ipso-facto son propre canton à la disparition.
En 2014, sur décision préfectorale, Thorigny redevient chef-lieu de canton en qualité de commune la plus peuplée d'une circonscription redessinée. Pour autant, Thorigny n'aura pas les attributs initiaux de cette institution : justice de paix, brigade de gendarmerie, perception.

Thorigny a-t-il perdu longtemps son statut de chef-lieu de canton?

Au moment de la révolution, les élus parisiens de l'Assemblée constituante ont décidé un découpage administration de la "nation" empilant commune, canton (22 décembre 1789), district, département et nation. Thorigny gagna alors le rang de chef-lieu de canton. A aucun moment, les populations n'eurent à se prononcer sur le cadre qui leur était appliqué. En 1793, la Convention soumise au régime de la Terreur, supprime tous les cantons.
Sous le Directoire, il est décidé une réorganisation du découpage administratif, faisant disparaître les districts (ex. celui de Saint-Florentin), et le rétablissement des cantons (1795). En 1801, pour économiser les frais de justice, Napoléon diminue fortement le nombre de cantons. Le canton de Thorigny, mais aussi ceux de Trainel et de Rigny-le-Ferron disparaissent. Thorigny bascule avec une partie des communes concernées dans le canton de Villeneuve-l'Archevêque, et les autres communes de son ci-devant canton (dont Fleurigny et Saint-Martin-sur-Oreuse) dans celui de Sergines.
A deux reprises au moins, les communes du canton disparu à l'unanimité pétionnèrent pour demander le rétablissement du canton de Thorigny. Le régime refusa ce rétablissement, qui aurait notamment provoqué la disparition de celui de Sergines, trop diminué.
Il faut se rappeler que le statut de chef-lieu de canton permettait de disposer d'un juge-de-paix (doté d'un greffier), d'une perception et d'une gendarmerie. L'enjeu était de taille. Rien n'y fait, les changements de régimes ne portant aucune attention aux souhaits répétés des populations.
En 1972, le régime promeut le regroupement des communes (en Belgique, l'opération a été autoritaire) pour se rapprocher du modèle allemand. Pour accéder aux avantages momentanés, les trois communes de Thorigny-sur-Oreuse, Fleurigny et Saint-Martin-sur-Oreuse, décidèrent de s'associer (et non de fusionner). De ce fait, Thorigny-sur-Oreuse quitta le canton de Villeneuve-l'Archevêque pour être inclus dans celui de Sergines.
En 2016, Thorigny-sur-Oreuse est redevenu chef-lieu de canton par décision préfectorale, sans l'avoir sollicité. Le canton de Sergines fut dissous. La seule fonction attribuée à ce titre est la centralisation des résultats électoraux des communes de son ressort.

Doit-on dire Thorigny ou Thorigny-sur-Oreuse?

Thorigny n'a jamais été appelé que Thorigny depuis le Xe siècle.
Lors de la diffusion du timbre poste (1849) en France et de l'ouverture des bureaux distributeurs, l'administration des Postes a demandé d'adjoindre sur-Oreuse pour éviter des confusions avec d'autres Thorigny existant en France et le hameau près d'Auxerre. En toute logique, la fermeture du bureau de poste devrait entraîner le rétablissement de la situation antérieure.
Par contre La Chapelle et Saint-Martin ont toujours été sur-Oreuse, tandis que Fleurigny ne l'a jamais été.

Les SS ont stationné à Thorigny en 1940?

Oui. Un détachement d'une trentaine d'hommes de la SS accompagnait un mouvement principal de la VIe Armée de la Wehrmacht. En poursuivant sa marche vers la Loire, ce détachement s'est arrêté plusieurs jours à Thorigny. Il s'est installé dans une grande maison abandonnée par sa propriétaire, sise au 1 rue de Granges-le-Bocage. Quand la propriétaire revint de Saint-Flovier (Indre-et-Loire) après l'armistice, elle entra dans son jardin et y vit de jeunes garçons nus courrir dans son jardin et s'aspergeant d'eau. Elle alla dormir dans son autre maison de la rue de la Croix, en attendant qu'ils libèrent les lieux. Outre des dictionnaires affectés à un usage fessier et les ossements de trois cadavres d'un ancien cimetière disparus, du mobilier fut dispersé dans le bourg. Beaucoup revint, mais des tapis ont continué d'orner des intérieurs des décennies plus tard sans revenir à destination.

Doit-on l'école de Thorigny à Jules Ferry?

Bien sur que non. On connaît une école à Thorigny dès 1546. Elle est alors inspectée par l'archidiacre de Sens, au même titre que la paroisse et le curé. Cette école est financée par la communauté des habitants. Les chefs de famille (y compris les veuves), choisissent un des candidats qui présentent leur candidature, ayant été avertis publiquement au prône par le curé (au moment du sermon, le curé donnait les nouvelles générales). On convient d'une rémunération (le fort portant le faible), d'une période de scolarisation (respectant les travaux agricoles nécessitant beaucoup de main-d'oeuvre). Souvent, on reprend un contrat notariés détaillant selon la convenance, les obligations de chacun : le recteur des écoles ne devra pas fréquenter le cabaret, ne pas battre les enfants, recevoir les enfants pauvres comme les autres, conduire les enfants au catéchisme à l'église. Les enfants sont dans une classe unique, les élèves avancés aidant le recteur à faire progresser les enfants les plus jeunes. Ces écoles existent dans chaque paroisse du Sénonais (et parfois dans les hameaux) depuis au moins le règne de Louis XIII, et cette situation semble déjà en place depuis au moins un siècle. Parfois, un notable fournit des fonds pour ouvrir une classe spécifiques pour les filles, de manière à les séparer des garçons : c'est un luxe. L'instruction se contente d'apprendre à lire, écrire et compter. Au-delà, le recteur d'école, moyennant paiement, peut apprendre à lire dans les livres des marchands. A Thorigny, l'école se tient dans une maison ordinaire louée. Faiblement rémunérés, les recteurs des écoles complètent leurs revenus en travaillant de leurs mains, en l'absence des élèves (ex. tisserands). Les parents sont vigilants et n'hésitent pas à congédier l'ivrogne, l'ignorant ou le violent. Contrairement à une fable très répandue, le curé n'intervient pas au-delà de ce que ses paroissiens peuvent faire par ailleurs. Les résultats obtenus, malgré un financement dérisoire, est étonnant. Thorigny et le Sénonais sont, comme la moitié de la France, dans la fourchette haute de plus de 70% de garçons sachant signer.
Lors de la révolution, la plupart des écoles ferment car les assemblées paroissiales sont supprimées et dépossédées de leurs patrimoines (mais à Thorigny, l'école n'est que tenue en location). Pendant trente ans, l'analphabétisme progresse rapidement et se répercutera sur les soixante années à venir. Thorigny conserve son maître d'école. Lors du retour au calme civil, les communes se déchargent du fardeau scolaire sur des congrégations nouvelles enseignantes, qui ne demandent que de minimes rémunérations. A Thorigny, l'école de la commune s'adresse aux garçons, qui restent à l'école jusqu'à ce qu'ils sachent lire et écrire, mais pas au-delà. Des religieuses de la Providence veillent à la situation des filles (cette école est alors sur les promenades à l'emplacement du presbytère actuel).
Après l'effondrement du régime de Napoléon III, le nouveau régime aux mains de ses adversaires décide d'interdire une première série de congrégations enseignantes qui fournissent les plus brillants sujets à tous les concours des grandes écoles de l'Etat (1880 : exil de 5.700 religieux spécialement dédiés aux études supérieures, en Belgique, Angleterre, etc.). En outre, la loi bannit la culture religieuse, oblige les communes à financer elles-mêmes les écoles et à doter les instituteurs de rémunérations importantes les assimilant à des notables. Ce sont les lois de Jules de Ferry. En 1903, de nouvelles mesures du même régime sont prises visant 58.000 religieux et religieuses qui prendront eux-aussi le chemin de l'exil. A Thorigny, les trois religieuses de la Providence se retirent pour permettre au curé de disposer d'un logement dont il est privé par la commune depuis la loi Combes. Leur école fermée devient alors le presbytère.

L'axe Nord-Sud de circulation de Thorigny était celui de Sens à Nogent-sur-Seine.

Non. Il était clairement appelé le chemin de Granges à Voisines dans les actes notariés du temps. Il empruntait la rue du Pré de la Fête. En effet, l'axe de circulation de Sens à Nogent-sur-Seine passait par Fleurigny, les abords de Vallières et Trainel. Les travaux du Conseil Général de l'Yonne sous la Restauration a entériné le poids urbain de Thorigny en y détournant le flux routier. Pour autant, une fois franchi les fossés de Thorigny, un embranchement permettait à la circulation locale de rejoindre Sens. Cet embranchement a donné lieu à deux parcours : le vieux chemin de Sens, et le chemin de Sens, dès le XVIe siècle. Le premier semble avoir été plus haut sur la pente.

Il y avait deux grandes rues à Thorigny au XVIe siècle.

Oui. La première Grande Rue partait de l'église paroissiale Saint-Pierre & Saint-Paul, pour se rendre à l'annexe paroissiale (le hameau) de La Postolle. On notera que cette première Grande Rue ne se rendait pas vers le couchant, car un pressoir (à vin) banal bouchait la circulation sous la chaussée goudronnée actuelle.
Une deuxième Grande Rue était dans l'axe du chemin menant à Fleurigny (aujourd'hui permettant d'accéder à la station d'épuration), suivait un tronçon de la rue du Pré de la Fête avant de suivre la rue Chifflot (ou Chufflot dans certains actes). La Grande Rue Chifflot a perdu son qualificatif dans le courant du XVIIe siècle. En effet, la fortification de Thorigny avait obstrué son cheminement vers La Postolle suivant le rebord gauche du vallon.

La Postolle

Le tilleul devant l'église de la Postolle a été planté par Sully?

Non. Cette légende infondée courre sous des plumes qui se piquent d'histoire. Elle prétend que le ministre Sully a demandé qu'un arbre soit planté à la porte de chaque église de France en souvenir de son ami le Roi.
Henri IV a été assassiné le 14 mai 1610. Très vite, son ministre Maximilien de Béthune, duc de Sully, s'est retiré du pouvoir, en désaccord avec la régente Marie de Médicis. Ses attributions financières étaient hors du sujet avec une question arboricole. Aucun édit royal n'a jamais été retrouvé sur cet objet. Une telle législation aurait contrevenu avec la liberté de l'époque faisant qu'une telle imposition par un pouvoir central était inimaginable en France.
Par contre, il est d'usage constant, depuis le Moyen-Age, de se réunir dans les églises paroissiales et les couvents (ex. celui des Jacobins de Sens), ou par beau temps à l'ombre des arbres dans des jardins (ex. du palais royal de Paris), des parcs (ex. celui du bois de Vincennes), et devant des bâtiments (ex. devant le palais comtal d'Auxerre). Un acte notarié établit cet usage à La Postolle. Le tilleul est donc de toutes époques. L'orme a été une espèce fréquemment utilisée.

Il y avait un relais de poste à la Postolle?

Non. Le système de la route de poste n'a jamais existé dans la vallée. Le plus ancien suivait la vallée de l'Yonne (relais du Fossard, de Villeneuve-la-Guyard, de Pont-sur-Yonne, de Sens, de Villeneuve-le-Roi, de Villevallier). Un second plus récent s'est mis en place entre Sens et Troyes pratiquement sous le règne de Louis XVI.
La route de poste suppose la présence de relais dirigés par des maîtres de poste, où le service public (les courriers, les chevaucheurs de la petite écurie du Roi) trouve à emprunter des montures fraîches pour poursuivre sur le champ leur trajet. A la fin du XVII e siècle, les particuliers ont pu accéder moyennant finance à ces montures, qui étaient ramenées à leur relais d'origine par les postillons à petite vitesse. Bien entendu, la vallée de l'Oreuse n'a pas eu une importance économique justifiant une telle organisation.

Pourquoi n'y a-t-il pas de documents concernant La Postolle avant 1492?

Effectivement, le plus ancien document citant La Postolle date de 1492, année de la découverte de l'Amérique par Christophe Colomb.
Toutefois, on observe qu'au Nord, à l'Est et au Sud de La Postolle un château et son fief (Vermont), le fief de Mardilly (en limite de Lailly) et des terres (en limite de Voisines) sont aux mains des héritiers de la famille de Villuis au XVe siècle, que l'on sait procéder des anciens chevaliers de Thorigny au XIIIe siècle. L'établissement d'une fille des chevaliers de Thorigny a très pu pu donner lieu à la fixation de sa dot sur les hauteurs entourant le fond de la vallée de l'Oreuse.

Fleurigny

La route principale de Sens à Nogent-sur-Seine passait-elle à l'origine par Fleurigny?

Oui. Le parcours principal passait par Fleurigny où il croisait un autre grand chemin allant de Pont-sur-Yonne à Villeneuve-l'Archevêque. Une hôtellerie existait de ce fait depuis le XVe siècle au carrefour. Certes, un grand chemin se rendait à Thorigny au XVIe siècle, au tracé réaménagé dès cette époque, mais le flux principal passait par Fleurigny. La carte de Cassini utilisée entre le règne de Louis XV et celui de Charles X montre ce tracé. C'est pour cette raison routière qu'un château a été établi à Fleurigny vers 1240.

Quel important hameau a disparu sur le territoire de Fleurigny?

Le hameau de Vauvagis, plus important alors que celui de Vallière, a disparu pendant la Fronde. Les familles qui y vivaient sont parties dans les hameaux voisins.

Il y avait un pilori à Fleurigny et à Thorigny?

Oui. Ces deux piloris ne sont cités qu'en une seule occasion chacun. Le pilori de Fleurigny était en bordure de la route près de l'église. Celui de Thorigny était sur la petite place publique de l'actuelle étude notariale. Le pilori servait à présenter au public certains condamnés. Cette fonction est assurée de nos jours par la photographie.
Il ne faut pas confondre le pilori avec les fourches patibulaires. Ces mâts de bois, en nombre variable, signalaient en un point visible du finage d'une seigneurie, le degré atteint par la justice seigneuriale : haute (allant jusqu'à la condamnation à mort), moyenne ou basse (petites contraventions). On pouvait accrocher à ce mât le cadavre d'un condamné à mort. Le pouvoir royal a rapidement repris en sa main le droit d'entretenir ou non ces monuments.
De nombreux toponymes conservent la mémoire de ces édifices fragiles, sous le nom de la Justice.

Les seigneurs de Fleurigny vivaient-ils en Normandie?

Effectivement, du règne de Charles VI à celui de Louis XII (v. 1379-1513), les seigneurs de Fleurigny vivaient dans le diocèse d'Evreux, et se faisaient enterrer dans l'abbaye Notre-Dame de L'Estrée, détruite à la révolution dans sa presque totalité, avec leurs gisants. Fidèle aux ducs d'Orléans, la famille a de ce fait été Armagnac. Cette longue absence explique le silence des textes sénonais sur cette famille, le fait que le château de Fleurigny ait été en état d'abandon en ce temps et l'apparition de légendes familiales (confusion avec la famille Lejai). La dernière héritière (veuve du bailli d'Evreux), a vendu sa seigneurie de Fleurigny à son lointain cousin François Leclerc, l'obligeant "à relever le nom" (Leclerc de Fleurigny) et les armes (lion hissant).

Gisy

Y avait-il un péage à Gisy?

Oui. Il est signalé au XIIIe et au début du XVIe siècle. Il s'agissait d'un péage par terre. Il était géré par un fermier. On supposera qu'il a été érigé sur la route conduisant de Pont-sur-Yonne à Villeneuve-l'Archevêque et de là, aux foires de Troyes.

Il y a deux églises paroissiales à Gisy?

Oui. La plus ancienne s'est retrouvée isolée hors des fortifications de Gisy au cours du XVIe siècle. A la fin du XVIIe siècle, cette situation fut jugée anormale, et les habitants ont entrepris la construction d'une nouvelle église, dans leur enceinte villageoise. Le cimetière de la vieille église a continué a servir aux inhumations.

Pourquoi dit-on "Gisy-les-Nobles"?

Nous ne le savons pas.
L'usage a été épisodique depuis le XVIe siècle. Pour autant, du XIIe au XVe siècles, Gisy ne semble pas avoir hébergé des chevaliers et des écuyers en nombre ou de qualité particulièrement remarquables.

Pouvait-on aller de Courroy à Paris en train?

Oui et non.
Oui : on pouvait aller de Nogent et Saint-Maurice-aux-Riches-Hommes en train jusqu'à Sens. Ce train circulait sur voie étroite. Il circulait si lentement que les garçons attrapaient le train en vol en courant à ses côtés. Le parcours était émaillé de gares dont la plupart subsiste.
Non : arrivée en gare de Sens après avoir traversé l'Yonne (par un pont détruit en 1940). En réalité, à Sens, la gare terminus de la ligne de Nogent se trouvait à peu prêt à l'actuel carrefour de la rue Victor Guichard et du Boulevard de Verdun (qui n'existait pas alors). La jonction envisagée avec la gare du PLM ne fut jamais réalisée.
La ligne, ouverte une première fois dans les mois qui ont précédé l'entrée en guerre de 1914, a été fermée durant le conflit. Les rails ont été démontés pour servir le front. La ligne a été rouverte une seconde fois, durant quelques mois, peu avant la deuxième guerre mondiale. Elle a été rapidement fermée en raison du déficit et de la souplesse offerte par le transport par car.

Une grande princesse a été enterrée à la Pommeraie?

Oui. Mathilde de Carinthie, a épousé Thibault de Blois comte de Blois, Chartres, Troyes, Bar-sur-Aube, Sancerre, Châteaudun, Champagne & Brie, etc. Originaire des Alpes, la famille de Carinthie contrôlait des cols reliant Venise aux peuples Bohêmes, Polonais et Hongrois. Pour sa part, Thibault permettait aux marchands de la Méditerranée de retrouver ceux de la Mer du Nord. Pour sa part, Ide de Carinthie a épousé le comte de Nevers-Auxerre-Tonnerre.
Mathilde a soutenu le Paraclet. Une fois veuve, elle a souhaité être enterrée à la Pommeraie, jeune pousse des moniales du Paraclet en vallée d'Oreuse.
Elle est la grand-mère maternelle du roi de France Philippe-Auguste.

Autrefois, les maisons étaient en brique?

Non. La situation avant 1830 est que les maisons sont massivement édifiées selon la technique du colombage. Les poutres sont assemblées à l'aide de chevilles de bois. Leur démontage facile permet de revendre les poutres des maisons sur fourches et de planter la maison plus loin.
L'espace vide est rempli d'un mélange de terre grasse plaquée contre de petits éléments de bois. En général, les maisons n'ont qu'un rez-de-chaussée. A Thorigny, où règne la pression urbaine, certaines maisons sont dotées d'un étage. L'usage de blocs de grès équarris est réservé aux angles de murs, aux facades cossues, aux églises et aux châteaux. La pente de toit peut descendre jusque près du sol, formant la basse goutte.
Le grenier permet de stocker le grain de la maison qui sert d'isolant efficace durant tout l'hiver. Rentré humide, ce grain fermente et des gaz inflammables s'en dégagent. Quand ils entrent en contact avec une cheminée mal boissellée, l'incendie éclate. Il faut dès lors rendre justice aux toitures en chaume qui ne sont en rien un vecteur d'incendie. Elles sont, tout autant que les toitures en tuiles, victimes des incendies. La proportion de maisons couvertes en tuiles et en chaume varie selon chaque village, suivant les ordonnances de la jsutice locale. A Thorigny, 95% des maisons sont couvertes en tuiles en 1700. La cheminée est rarement présente dans les chambres.
La cave est présente dès que la maison n'est pas trop proche du rû. Elle peut donner accès à une carrière de craie souterraine ou à un souterrain refuge.
Le puis privatif n'est pas généralisé à toutes les maisons, et le plus souvent on tire l'eau d'un puis collectif.
La grange est la dépendance la plus générale. La bergerie et la halle signalent les riches propriétés. La présence du colombier de toit est exceptionnelle. Le colombier de pied est un privilège seigneurial.
Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, l'Administration contraint les paroisses à loger convenablement leurs curés, voués à de véritables taudis insalubres. Les nouveaux presbytères se dotent de briques autour des fenêtres plus grandes, faisant entrer la lumière en abondance : les croisées. La brique devient le signe de la modernité et du confort.
Sous la Restauration, l'enrichissement de la paysannerie lance une vague sans précédent de reconstruction de maisons dans toute la vallée, qui s'achèvera sous Napoléon III. La mode du tout en briques dessine un habitat totalement nouveau, qui est devenu depuis le signe architectural du Sénonais, avant le surgissement du pavillon stéréotypé français.

Autrefois, nos villages étaient à la frontière?

Oui. Cette frontière s'est mise en place au début du XIe siècle.
Le puissant comte de Blois Eudes, héritier du Provinois par sa mère, avait commencé par mettre la main sur Montereau, en plein accord avec le Roi, amant de sa mère.
De 1032 à 1034, il s'empare de la ville de Sens à l'occasion d'une guerre avec le Roi.
Son descendant, Thibault-le-Grand, hérite en deux fois du vaste territoire qui forme la Champagne actuelle. De 1111 à 1125, il emboîte le pas à son oncle maternel le roi d'Angleterre et mène la guerre contre le Roi de France. Après la mort de son oncle, il tolère un cessez-le-feu presque permanent qu'il ne transforme pas en paix jusqu'à sa propre mort en 1152.
De 1152 à 1284, les comtes de Champagne vivent en bonne intelligence avec les Français, permettant des réalisations communes, comme par exemple la création de villes neuves (Villeneuve-le-Roi sur l'Yonne, Villeneuve-l'Archevêque sur la Vanne), de routes (Pont-sur-Yonne vers Troyes, Gien vers Troyes), de ponts (Pont-sur-Yonne et Villeneuve-le-Roi), de châteaux et de marchés (Brienon).
En 1284, Jeanne, héritière de la Champagne, épouse l'héritier de la Couronne de France, qui devient Philippe-le-Bel. Elle décède en 1304 et transmet la Champagne à son fils aîné le prince Louis. En 1314, celui-ci monte sur le trône de France (Louis-le-Hutin).
Quatre décennies plus tard, le règlement de la succession de Louis X s'achève et la Champagne est unie à la Couronne de France juridiquement.
Une frontière féodale, administrative et politique a donc traversé nos paysages : la Champagne d'un côté, le domaine royal de l'autre. Pour autant, le bailli royal de Sens s'autorisait des incursions en Champagne.
Voisines, Thorigny (et donc la Postolle), Fleurigny, Saint-Martin-sur-Oreuse, La Chapelle-sur-Oreuse, Gisy relevaient du domaine royal.
Foissy (et donc Les Clérimois), Lailly, Saint-Maurice-aux-Riches-Hommes, Villers-Bonneux, Pailly, Plessis-Saint-Jean et Michery relevaient de la Champagne.
Pour autant, les chevaliers champenois de la famille Gastebled détenaient une grande partie de ce qui constitue aujourd'hui l'habitat de Thorigny, et une branche de la famille de sires champenois de Trainel a hérité de Voisines.
Ces limites ne suivent donc plus la ligne séparant les diocèses de Sens et de Troyes, qui en principe était celle des anciens comtés. Il faut tenir pour acquis que dès avant 1111 les Champenois se sont adjugés les rebords orientaux de l'ancien comté de Sens avec notamment Ervy-le-Châtel, Saint-Florentin, Champost, Rigny-le-Ferron, Mauny (Bagneaux), Foissy, Courgenay, Trainel, Plessis-Saint-Jean, Ternantes (Michery).

Les religieuses ont quitté la Pommeraie à cause de la révolution?

Non. Les moniales installées à la Pommeraie depuis le XIIe siècle ont quitté leur monastère à la suite de la Fronde vers 1660. Elles sont alors venues s'installer entre le faubourg Saint-Antoine de Sens et le village de Saint-Clément.
Certains bâtiments subsistant sont aujourd'hui inclus dans la maison de retraite de la Providence, propriété des Soeurs de Nevers. On notera que la Pommeraie est devenue, elle aussi, une maison de retraite.

Les Templiers étaient-ils à Launay?

Non. La mention apposée sur le panneau de voirie municipale est la preuve de la méconnaissance totale de l'histoire locale de notre terroir par l'ensemble des décisionnaires et leur entourage. Il n'y a jamais eu de Templiers à Launay.
Les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem (devenus ensuite chevaliers de Rhodes puis de Malte) ont eu une Maison à Launay, érigée au rang de commanderie à la fin de la Guerre de Cent Ans. Les Grands Prieurs de France de cet Ordre (c'est-à-dire du Bassin Parisien) y ont fixé leur résidence, de préférence au Temple de Paris trop malcommode (on en fera une prison en 1792).
La plus proche commanderie templière était à Coulours.
Par contre, après la disparition des Templiers, leurs possessions de Courroy et de Plessis-Saint-Jean (en Champagne), ont été rattachées à Launay.

L'église paroissiale de La Chapelle-sur-Oreuse était-elle sur la colline?

Oui. L'actuelle chapelle Saint-Germain était l'église paroissiale de La Chapelle-sur-Oreuse. Un cimetière et une source l'environnaient. Chaque année, une cérémonie, à laquelle se rendaient des moines de Sainte-Colombe, rappelait le statut du lieu. La voie romaine de Sens et Meaux passait aux abords.
Par contre, l'habitat principal s'est fixé dans la vallée. Un vaste chapelle dédiée à saint Laurent évitait de monter sur la colline pour les sacrements et les offices ordinaires.

Quel enlèvement crapuleux dans la vallée de l'Oreuse?

Oui. L'archevêque de Sens a été enlevé à La Pommeraie au cours de la guerre de Cent Ans.

Nos villages remontent-ils aux Romains?

Non. Primitivement, à l'époque gauloise, tout notre territoire est occupé par un habitat dispersé, fait de fermes isolées en nombre très élevé. Durant le dernier siècle de l'indépendance gauloise, on voit apparaître des oppidum. Il s'agit toujours de plateaux fortement défendus par trois pentes abruptes, et par un profond fossé artificiel creusé dans la partie rattachant ce plateau avec le reste du relief dominant. Un début d'urbanisation s'y produit, l'oppidum étant un centre commercial et politique. Nous n'en connaissons pas dans la vallée de l'Oreuse.
A l'époque romaine, les oppidum, trop défensifs, sont vidés de leur population au profit d'un petit nombre de cités bâties sur des terrains plats (ex. Sens), et sur des parcours routiers importants. De ce fait, l'habitat rural reste composé de fermes isolées ou au mieux de petits hameaux. Apparaissent cependant, compte-tenu de la rareté des cités, des "vicus". Ces très petites agglomérations ont une vocation commerciale et artisanale dominante. Parfois, elles disposent d'un "fanum" (petit temple) ou d'une aire de jeux (ex. amphithéâtre). La quantité des "vicus" est de l'ordre de un pour plus de vingt paroisses. Vinneuf et Saint-Pierre-le-Vif en tirent leur nom. Le petit habitat rural a poursuivi un mouvement de concentration amorcé sous les Gaulois, et de très grandes villas ont pris place au milieu des petites fermes. Les plus grandes villas étaient sans doute au centre de domaines de plus de 10.000 hectares. On comprend dès lors la splendeur de leurs équipements.
Du Bas Empire jusqu'à l'aube du XIe siècle, la situation a perduré. L'habitat reste dispersé dans les campagnes. Des grands domaines se trouvent ici et là. Le nom de leurs propriétaires a pu donner leur nom aux futurs villages (ex. Florus, Taurinus). Les "vicus" disparaissent. Les cités voient leur population pratiquement divisée par dix. Sous la pression des rois mérovingiens (ex. Dagobert), la christianisation des campagnes est imposée. Les grands propriétaires érigent des chapelles dont ils entretiennent le prêtre desservant. Or, et ceci est capital, ces chapelles n'ont pas le rang de cure. Si les habitants peuvent y entendre la messe célébrée par un chapelain, ils ne peuvent pas y recevoir les sacrements. C'est le curé d'une des rares paroisses rurales (sans doute Trainel pour l'Oreuse) qui assure ce service, et notamment la lucrative cérémonie des funérailles (canoniquement seule taxable). De même, les revenus qui assurent l'entretien de ces chapelles sont fournis par de puissants laïcs.
Au début du XIe siècle, plusieurs mouvements conjuguent leurs effets. Un redressement économique général se produit. Les villes voient leur population progresser vivement. Elles se dotent d'équipements industriels procurés par l'eau, et nécessitent un nouveau réseau de grands chemins qui maillent le territoire. La grande exploitation rurale latifundiaire recule considérablement. La population des campagnes, en vif accroissement, décide de s'agglutiner auprès d'un point du finage, faisant reculer considérablement l'habitat isolé. Ces agglomérations sont nos villages actuels. Ils groupent de 50 à 100 maisons, dont les chefs d'hôtels sont essentiellement des paysans, et probablement 10 à 20% des artisans au service du monde agricole (charrons, menuisiers, charpentiers, couvreurs, maréchaux, taillandiers).
L'agglutinement se fait le plus souvent auprès de la chapelle qui assure depuis le VIIe siècle la christianisation. Dès lors, il devient injustifiable de s'adresser à un curé éloigné, alors qu'un chapelain est présent sur place. Bien entendu, dans la mesure où le grand propriétaire détenteur de la chapelle s'est transformé en propriétaire d'une motte castrale, ou d'un plessis, l'agglutination de la population au sein d'un village se fait non seulement auprès de la chapelle devenue église mais aussi de la motte qui deviendra château. L'Eglise va s'adapter rapidement à la nouvelle situation. Elle finit de morceler ses anciennes et vastes paroisses, et fait émerger des paroisses de plain exercice à partir des chapelles. Le mouvement est achevé à la fin du XIIe siècle. Mais les revenus dont avaient été dotés les chapelles par leurs propriétaires fondateurs lui échappent. La réforme de l'Eglise n'aura de cesse d'en obtenir le transfert entre des mains de clercs.
A partir de Philippe Auguste, il y a un certain parallélisme entre églises, châteaux et villages. Les nouvelles créations de paroisses (ex. Courroy) seront efficacement bloquées.
Des hameaux subsistent, mais leur nombre diminue encore du fait des guerres dites de religion et surtout de la Fronde (Vauvagis, Les Roches, Puy-Blanc).

Quelles ont été les périodes de prospérité des campagnes?

Nous sommes certains que le règne de Louis XII (1498-1515) marque le plus grand optimum des campagnes. Le redressement économique et démographique s'achève.
A partir du début du XVIe siècle, les villages se dotent de marchands. Les besoins commerciaux des campagnes avaient été jusque là satisfaits par les bourgeois-commerçants opérant depuis la ville, et venant au contact de la clientèle villageoise sous les nombreuses halles qui parsèment les campagnes. Or, à l'issue de la guerre de Cent Ans, les halles ne sont pas reconstruites par les seigneurs et la bourgeoisie urbaine ne sait plus assumer son rôle. Les campagnes s'organisent pour y suppléer.
Il est bien établi que le règne de François Ier se caractérise par la stagnation. La lourde défaite de Pavie (1525) entame le retour de l'insécurité dans les campagnes. Il faut alors fortifier massivement les villages pour résister aux pillards. A partir de 1562, les guerres civiles dites de Religion, provoquent pendant 33 années la ruine massive des bourgs et villages. Beaucoup de villages perdent définitivement des catégories d'artisans (ex. potiers d'étain à Granges) et commerçants (ex. apothicaires à Thorigny). Le bourg de Thorigny perd le tiers de sa population, et tous ses faubourgs sont détruits.
Une lente remontée se produit jusqu'en 1660, sans toutefois permettre le retour au statu quo ante. Des artisans indispensables à la paysannerie réapparaissent dans les villages.
La poursuite des guerres durant la seconde moitié du règne de Louis XIV conduit à une très profonde dépression à la fin du règne, aggravée par la voracité fiscale (ex. obligation du papier timbré, création du contrôle des notaires) se termine par une violente saignée démographique (vers 1705-1709). A titre d'exemple, la couverture notariale est divisée par cinq à la suite de ces évènements.
Le léger mieux constaté rencontre à nouveau de violentes crises au milieu du règne de Louis XV. Rappelons que la France est alors devenue la première puissance mondiale et a vaincu les Anglais.
Une remontée régulière se poursuit jusqu'en 1789. Les campagnes retrouvent leur niveau de population du règne de Louis XII, et la variété de commerces et d'artisans signalent un net embourgeoisement des populations. C'est le deuxième optimum connu par les campagnes.
La guerre déclarée au monde durant 25 ans par la France produit des effets démographiques (nous aurons des millions de jeunes hommes tués à la guerre) qui impacteront définitivement notre rang mondial. Après avoir pressuré l'Europe, nous sommes atteints par les combats et les troupes d'occupation. Le gouvernement de Louis XVIII parvient à payer le départ des armées d'occupation moyennant des indemnités de guerre qui ruinent l'épargne des Français. Les campagnes se rétablissent lentement. L'enrichissement paysan sous Charles X se traduira ensuite par la reconstruction de tout l'habitat selon de nouvelles règles (usage massif de la brique). Sous Napoléon III, les campagnes connaissent leur troisième et dernier optimum.
La guerre de 1914 tue en cinq années un cinquième de la population masculine. L'artisanat rural expérimenté est ruiné définitivement. Il est remplacé par des manoeuvres. Les propriétaires sont contraints de faire tenir leurs exploitations par des fermiers étrangers qualifiés (Russes, Belges, Hollandais, Polonais). L'urbanisation de Sens (qui ne démarre guère que passée la Grande Guerre) vide la campagne de sa population féminine. Le déclin est aggravé par un phénomène nouveau, jamais rencontré dans l'histoire : le recul démographique lié à la pratique de l'enfant unique, ou le célibat définitif.
Les paroisses rurales se sont éteintes à grande vitesse depuis les années 1950, nous ramenant à plus d'un millénaire en arrière (l'Oreuse n'a plus de curé résident depuis une décennie). Le maillage marchand des villages a été détruit depuis les années 1970 au profit des grandes surfaces urbaines. Le maillage artisanal lui même est compromis. Le nombre de maisons en ruines augmente depuis les années 1990 au sein des villages. Une crise démographique dramatique atteint pour la première fois depuis toujours les campagnes en temps de paix .

Pourquoi mettre une inscription dans les murs pignons?

A partir de 1756, les propriétaires de maison effectuant de gros travaux (consolidations, constructions neuves, portes charretières) prennent soin de dater en haut d'un mur pignon ou sur une clé de voûte de porte charretière, la fin du chantier. On recense ainsi plusieurs dizaines de ces inscriptions à Thorigny (1756-1926), Fleurigny (1783-1880) et Saint-Martin-sur-Oreuse. On identifie ainsi la prospérité des campagnes et son achèvement (en 1898 car la mention de 1926 est politique). Contrairement à certains états (par exemple la Belgique), les constructions publiques omettent de vanter les mérites édilaires (fort heureusement d'ailleurs !).

Est-ce qu'il y a eu une bataille dans la vallée de l'Oreuse?

Oui. Elle a opposé le comte Girard (dit de Roussillon dans les chansons de geste), fidèle de l'empereur Lothaire, à Charles-le-Chauve, demi-frère de celui-ci. Elle s'est déroulée à Sixte (Michery) au milieu du IXe siècle. Ayant perdu ses domaines du Bassin Parisien, Girard de Roussillon est parti s'établir dans la vallée du Rhöne. Son fils unique sera assassiné par un serviteur passé au service du roi Charles. Pour empêcher son adversaire de s'adjuger ses héritages, Girard va fonder avec ses terres deux monastères : Molome (pour des hommes) et Vézelay (pour des femmes, sur le plateau aride du Mont du Scorpion), et les placer sous la protection du pape. L'échec de la fondation féminine poussera à confier Vézelay à des hommes, ce qui assurera le succès admirable que nous connaissons.
Il a existé un lieudit Bataille à Vallières, mais il pourrait dans ce cas s'agir d'un patronyme connu en ce lieu au XVIIe siècle.